Poursuite par voie de faillite plutôt que par voie de saisie pour les cotisations AVS

La Confédération a élaboré un paquet législatif pour lutter contre l’usage abusif de la faillite. Les faillites abusives causent chaque année des centaines de millions de francs de préjudices en Suisse. La nouvelle loi fédérale entrera en vigueur le 1er janvier 2025 et apporter quelques modifications importantes à la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) que vous avez intérêt à connaître.

À la base, l’un des principaux objectifs du droit des faillites consiste à donner aux entreprises en difficulté une chance de relancer une activité économique. Par le passé, il est toutefois apparu que le droit des faillites était souvent détourné par des entreprises peu scrupuleuses pour échapper à certaines obligations.

Situation initiale

Jusqu’à présent, les institutions de droit public – comme la Caisse de compensation GastroSocial – devaient toujours recouvrer les cotisations dues par voie de saisie.

Un exemple :

  1. Meier Sàrl, propriété de Monsieur Meier (débiteur), est redevable de 20’000 francs à la Caisse de compensation GastroSocial (créancière).
  2. La Caisse de compensation GastroSocial le met en demeure, envoie une réquisition de poursuite et transmet un rappel avec un commandement de payer pour qu’il effectue le paiement.
  3. Monsieur Meier ne réagit pas. La Caisse de compensation GastroSocial lui adresse dès lors un avis de saisie.
  4. Monsieur Meier ne possède toutefois quasiment aucune fortune, de sorte que la procédure se termine au bout d’une année environ par un acte de défaut de biens. Celui-ci est délivré à la Caisse de compensation GastroSocial par l’office des poursuites et atteste que le débiteur, Monsieur Meier, ne dispose pas d’une fortune réalisable suffisante pour couvrir intégralement ou partiellement la créance dont il est redevable. La créance encore ouverte est mentionnée, avec les intérêts et les coûts, dans l’acte de défaut de biens, qui vaut reconnaissance de dette. Il n’y a pas d’autres conséquences pour Monsieur Meier et Meier Sàrl.
  5. Un peu plus tard, Monsieur Meier crée une nouvelle société, alors que son ancienne Sàrl fait l’objet d’un acte de défaut de biens au profit de la Caisse de compensation GastroSocial. Sa situation financière n’a pas changé, et il est conscient qu’il ne pourra de nouveau pas honorer ses obligations financières, ce qui n’a rien de bien catastrophique, puisqu’il s’en est tiré à assez bon compte la dernière fois. Très vite il doit de nouveau plus de 16’000 francs à la Caisse de compensation GastroSocial, qu’il est incapable de régler. Le même processus se répète et se termine une fois encore par l’établissement d’un acte de défaut de biens.

Pour résumer cet exemple simplifié à l’extrême, la Caisse de compensation GastroSocial se voit donc confrontée à un montant total de 36’000 francs de cotisations impayées. À l’échelle de la Suisse, les faillites abusives représentent un préjudice annuel de centaines de millions de francs.

Une nouvelle loi fédérale est censée simplifier les poursuites dans de telles situations.

Nouvelle loi fédérale sur la lutte contre l’usage abusif de la faillite

En 2022, le Parlement a adopté la « loi fédérale sur la lutte contre l’usage abusif de la faillite ». La faillite d’une entreprise ne peut plus être un prétexte pour ne pas payer des salaires, pour ne pas apurer des dettes et pour porter préjudice à d’autres entreprises en pratiquant une concurrence déloyale. La loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) prévoit notamment deux nouveautés fondamentales qui entreront en vigueur le 1er janvier 2025 :

1) Plutôt qu’une saisie : poursuite par voie de faillite

À partir de 2025, les cotisations aux assurances sociales de l’AVS pourront faire l’objet d’une poursuite par voie de faillite si le débiteur est inscrit au registre du commerce.

Dans une poursuite par voie de saisie selon l’ancien droit, le débiteur avait environ un an pour payer les cotisations dues avant qu’un acte de défaut de biens ne soit établi. Si les propriétaires d’établissement n’étaient pas en mesure d’honorer cette créance, ils n’avaient aucune conséquence à redouter dans la pratique : ils pouvaient maintenir leur établissement en activité même si plusieurs actes de défaut de biens avaient déjà été délivrés à leurs créanciers. À quoi est-ce dû ? Dès qu’un acte de défaut de biens est établi, l’argent est réputé perdu dans la plupart des cas, parce qu’il est rare que la situation financière des débiteurs s’améliore rapidement.

Dans la poursuite par voie de faillite selon le nouveau droit, les débiteurs doivent régler les cotisations dues dans un délai beaucoup plus court. Les entreprises et les indépendants qui n’honorent pas leurs obligations financières sont invités par le tribunal, après la procédure de poursuite (normalement 3 mois après l’expiration du délai de paiement), à régler la facture impayée. En l’absence de paiement, le tribunal compétent ouvre la procédure de faillite et l’établissement est fermé.

En résumé, les exigences de liquidité pour les établissements augmentent énormément, en particulier aussi parce qu’à l’avenir, en plus des cotisations aux assurances sociales de l’AVS, les impôts et les taxes sur la valeur ajoutée feront également l’objet d’une poursuite par voie de faillite.

2) Amélioration de l’application de l’interdiction pénale d’exercer une activité

Les interdictions pénales d’exercer une activité en raison d’infractions en matière de poursuite et de faillite devraient pouvoir être appliquées avec davantage d’efficacité dans le futur. Autrement dit : le but est qu’à l’avenir, les propriétaires d’établissement qui omettent chroniquement de régler des dettes à l’égard de créanciers publics ne puissent plus poursuivre leur activité, y compris dans le cadre d’une nouvelle entreprise.

L’application gagnera en efficacité grâce à la nouvelle passerelle créée entre le droit pénal et le droit du registre du commerce : dans le futur, une interdiction d’exercer inscrite dans le casier judiciaire sera par ailleurs communiquée aux offices du registre du commerce. Lors d’une procédure de faillite, l’office des faillites vérifiera si une faute peut être reprochée aux responsables d’un établissement au niveau de la direction ou dans le cadre de la faillite. Si tel est le cas, il en résultera une plainte pénale. Si cette plainte se solde par une condamnation ou une interdiction d’exercer, l’office du registre du commerce en aura connaissance et aura alors deux options : refuser l’inscription au registre du commerce à la personne condamnée lors de la fondation d’une nouvelle société ou ordonner la radiation d’inscriptions existantes dans ledit registre.

Les points importants

De manière générale, il faut savoir que les poursuites et les demandes de faillite génèrent des coûts et des désagréments considérables pour la débitrice ou le débiteur. Il est possible de les éviter en réglant la facture dans les délais ou en trouvant un accord de paiement. Il est donc important que vous preniez les dispositions qui s’imposent :

Surveillance de la situation financière

Les entreprises et les indépendants doivent surveiller leur situation financière sur une base régulière. Une comptabilité à jour et objective, un contrôle régulier des flux de paiement et l’analyse des chiffres clés sont indispensables pour identifier en temps utile les difficultés financières éventuelles.

Communication précoce avec les créanciers

Lorsque des propriétaires d’établissement sont confrontés à des difficultés financières, ils doivent en discuter le plus rapidement possible avec leurs créanciers, dont la Caisse de compensation GastroSocial p.ex. Des entretiens ouverts et transparents peuvent contribuer à la conclusion d’arrangements de paiement et prévenir des conflits ou des procédures judiciaires.

Demander conseil à un·e expert·e

Lorsque des problèmes financiers se dessinent, n’attendez pas trop longtemps avant de demander conseil à des professionnels. Une conseillère en insolvabilité expérimentée ou un avocat peut aider à prendre des mesures appropriées pour assainir l’établissement et éviter éventuellement une faillite.

Gestion des risques et assurance

Pour se prémunir contre des événements imprévus, il est conseillé de souscrire une police d’assurance étendue. Une assurance spécialement conçue pour l’hôtellerie et la restauration peut couvrir les préjudices financiers causés p.ex. par des interruptions d’exploitation.

Respect des prescriptions légales

Pour éviter qu’une faute puisse être reprochée aux propriétaires d’établissement – ce qui, dans le pire des cas, peut entraîner une interdiction d’exercer – , il est important de respecter les prescriptions légales, en particulier dans les domaines du code des obligations, de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) et de la loi sur l’AVS. Cela passe par une comptabilité bien tenue et le versement correct et ponctuel des cotisations aux assurances sociales à la Caisse de compensation GastroSocial.

Nous restons à votre disposition pour tout autre renseignement utile en la matière !